Je vais vous conter une petite histoire qui remonte à mes premières années de vie professionnelle. Dans mon milieu de travail de l'époque, le directeur de notre service nous informa que nous allions accueillir un stagiaire du nom de Robert. Il allait participer à un stage d'intégration sociale. Robert était une personne ayant une déficience intellectuelle.
Je trouvais l'initiative géniale. Quoi de mieux que d'intégrer une personne avec une déficience intellectuelle dans un milieu « normal » afin de le stimuler au contact des autres travailleurs réguliers. Je voyais à travers cette action, toute la grandeur de notre bonne société envers les gens « différents ». Comme vous le constatez, j'avais moi aussi comme bien d'autres, mon lot de préjugés. Je dois l'avouer à cette époque en raison de mon peu d'expérience de vie, j'étais un peu sot de penser de la sorte.
Dès le premier jour de Robert au sein de notre groupe de travail, ma façon de le voir et surtout le concevoir changea. Juste par un contact concret avec lui, ma vision de la déficience intellectuelle fut transformée.
Le premier matin, Robert fit le tour du bureau avec le coordonnateur du projet afin de se présenter. Il entra dans mon bureau avec un regard rempli d'enthousiasme et me serra la main en me regardant droit dans les yeux. Je me souviens encore de sa première phrase : « Je m'appelle Robert et je suis heureux de travailler avec toi. » Sa seconde main alla rejoindre sa première afin d'intensifier cette première poignée de main entre nous deux. C'était un geste véridique. Je voyais toute la joie qu'il avait d'être ici.
Il quitta mon bureau afin de poursuivre sa tournée auprès de mes autres collègues. Je l'observais de mon bureau en me disant que le monde devrait commencer leurs journées de travail ainsi. Prendre le temps de s'arrêter quelques secondes afin de saluer concrètement les collègues.
Dès ce premier contact, je concevais (un peu gêné) qu'il y avait plusieurs stades de déficience et qu'une personne ayant une déficience pouvait aussi bien que n'importe qui posséder une belle apparence et un entregent remarquable.
Au fil des semaines, je voyais Robert réaliser des tâches de plus en plus élaborées. Je m'étonnais de voir tout ce que pouvait faire Robert dans l'édifice.
Je réalisais que les préjugés que j'avais à cette période étaient dus principalement à mon manque de connaissance sur la déficience et l'absence de contacts réguliers avec ces personnes.
La présence de Robert au sein de notre équipe changea radicalement l'atmosphère du bureau. La joie de vivre et l'authenticité de Robert étaient contagieuses. Mes collègues et moi étions devenus plus sensibles et attentifs aux autres. Notre vision des choses et nos réactions face aux événements étaient devenues beaucoup plus humaines.
Paradoxalement, le stagiaire était devenu un genre d'inspiration pour nous. Robert nous avait fait découvrir une nouvelle façon d'être encore plus véritable dans nos rapports avec autrui. Il avait été, par sa seule présence, en mesure de réduire une multitude de préjugés. Il était venu pour apprendre et s'épanouir en nous côtoyant et pourtant, ce fut nous les plus grands bénéficiaires.