Le bon docteur Bolduc a quitté la politique dans le
déshonneur : champion des gaffes médiatiques. Qu'il ait été ou non un bon
gestionnaire de la santé, qu'il ait eu une vision originale et porteuse pour
notre système de santé importe peu. On ne se souviendra que de certains
faits : ses indemnités, sa réaction relativement aux livres dans les
bibliothèques scolaires et de sa déclaration quant au respect qui doit être démontré
pour la fouille à nu d'une adolescente dans une école secondaire. Est-ce juste
ou injuste? La question n'est pas vraiment importante. Ce qui importe c'est que
le monde politique est un univers hyper médiatisé et que ses protagonistes
doivent en maîtriser tous les leviers pour espérer y survivre et pour y faire
carrière.
Dire cela c'est une chose, mais l'autre question que nous
devons nous poser est la suivante : est-ce que nos attentes envers nos
femmes et nos hommes politiques sont justifiées? Voulons-nous vraiment être
représentés par des communicateurs éprouvés ou désirons-nous plutôt que des
femmes et des hommes honnêtes tentent de leur mieux de guider notre société
vers une notion d'un bien commun et d'une meilleure vie pour tous? Là est la
question. Cherchons à comprendre le monde de la communication politique...
Un monde
nouveau
Pierre Elliot Trudeau et René Lévesque sont parmi tous les
hommes politiques québécois, peut-être faudrait-il ajouter le nom de Lucien
Bouchard, qui nous ont laissé le souvenir de grands communicateurs. Or, le
monde dans lequel ont évolué ces hommes politiques n'est plus. Nous vivons
aujourd'hui dans un monde fort étranger au leur. Au temps de Trudeau et
Lévesque, on accordait beaucoup de respect à la politique et aux institutions.
Les médias, que ce soit la télévision, la radio, les journaux et les revues, se
sentaient honorés lorsque les femmes et les hommes politiques daignaient leur
accorder une entrevue. C'était l'époque de la domination de l'écrit et les
politiciens prêtaient beaucoup d'importance au contenu des articles des
journaux et surtout des éditoriaux. C'est à cette époque que Claude Ryan exerçait
son magistère d'homme d'influence puissant parce qu'il était à la direction du
journal Le Devoir.
Aujourd'hui, nous vivons une tout autre époque. Les médias
diffusent en continu que ce soit par les ondes, par leurs sites web ou par les
médias sociaux. Ils rivalisent entre eux dans la course aux manchettes et à
l'exclusivité. Ils s'intéressent autant au ton, aux non-dits qu'au contenu des
propos tenus par les femmes et les hommes politiques. Ils donnent la parole au
moyen de leur plate-forme Web à la population. La population elle-même n'est
pas en reste et plusieurs deviennent des citoyens-journalistes qui créent de la
nouvelle avec des contenus souvent inédits qui mettent rarement en valeur la
classe politique. On n'a plus aucun respect pour les institutions et on ne
reconnaît plus l'expertise des spécialistes préférant de loin la valeur
symbolique de la parole citoyenne toute puissante. Aujourd'hui, loin d'être
certain que les Bouchard, Lévesque et Trudeau seraient considérés comme de bons
communicateurs politiques...
Nous vivons une époque où la spectacularisation des médias entraîne
la classe politique à adopter soit la langue de bois ou le parler-vrai
populiste à la Coderre et à la Labeaume. Et dire que nos chroniqueurs et
journalistes s'étonnent de la volonté des gouvernements de se protéger en
centralisant l'information, en donnant à tous leurs lignes de presse et en
évitant de trop s'exposer à la torture des questions de la part des médias. Le
cirque médiatique crée le cirque politique. La turpitude de la classe politique
abreuve la médiocrité de nos médias. Est-ce vraiment cela que nous voulons?
Réhabiliter
la communication politique
Si nous souhaitons que cela change, il faudrait de part et
d'autre accepter de moduler nos attentes. Les premiers responsables sont les
membres de la classe politique. Comment des gens intelligents peuvent-ils
prétendre être assez habiles et « machiavéliens » pour prétendre une
chose, dire son contraire et agir autrement? Le gouvernement libéral de
Phillipe Couillard n'a jamais dit clairement que son premier objectif était de
sabrer le modèle québécois et de remettre en cause de larges pans du
fonctionnement de l'État québécois. Il nous a plutôt promis de relancer
l'emploi et l'économie du Québec en faisant disparaître l'hypothèque de
l'instabilité politique. Les gens, même si un grand nombre peuvent partager le
souci de rigueur budgétaire du gouvernement Couillard, sont sceptiques devant
le virage à 180 degrés du gouvernement sur ces questions. Pire encore, les
gestes du gouvernement sont incohérents avec son message de rigueur. Pensons
aux indemnités de départ des députés, aux réaménagements somptueux des bureaux
de députés et de ministre et au voyage de six ministres en France dans la
prochaine semaine.
Les oppositions, tant caquistes que péquistes, ne font pas
mieux. L'ex-ministre des Finances du gouvernement Marois, Nicolas Marceau ne jugeait
pas utile lorsqu'il était en poste d'avoir un directeur parlementaire du budget,
mais aujourd'hui il en réclame un. Au pouvoir, les péquistes étaient favorables
à l'exploitation du pétrole du Québec. De ces temps-ci, le PQ est plutôt
contre. Quant à François Legault, il emprunte la voie populiste de la
détestation de l'autre sur le dos des musulmans et dénonce chaque dépense du
gouvernement comme du gaspillage.
Est-il étonnant que la population qui croit de moins en
moins à la politique comme véhicule pour améliorer leurs vies et celles de
leurs proches décroche?
Les médias quant à eux sont les principaux bénéficiaires de
ce divorce du lien de confiance entre gouvernants et gouvernés. Ils en font
leur pain et leur beurre. Le Journal de
Montréal réalise des enquêtes hebdomadaires qui font état du gaspillage des
fonds publics, la télévision met en scène le moindre dérapage de la parole
politicienne et dans des images en boucle en continu fait parader maints
experts qui viennent décortiquer le bon grain de l'ivraie. Les citoyens-spectateurs
cherchent de plus en plus à devenir des acteurs et ajoutent leur indignation
pour faire de cette mixture « les meilleurs shows en ville ». Nous avons le monde politique que nous
construisons... Il faut rompre avec ces façons de faire pour changer la politique
et pour changer notre monde...
Le contenu
doit prédominer
Une vérité demeure cependant une loi universelle même dans
le cirque d'aujourd'hui. La sincérité, l'honnêteté, la clarté des propos et des
discours de ceux qui ont l'ambition de diriger nos destinées demeurent les
ingrédients essentiels à des communications politiques efficaces. Il ne faut
pas seulement se gargariser des mots de transparence et de participation citoyenne,
mais il faut les intégrer dans les démarches de prise de décision collective.
Dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit demeure aujourd'hui la première
loi du cours de communication politique 101...