Le Québec vient de vivre une élection
pénible. Tous s'entendent pour dire qu'il faut revoir notre façon de voir la
politique. La démocratie de type libérale est attaquée de toute part.
Au nom de
la société civile, d'une plus grande part des citoyens dans l'action politique,
on réclame un nouveau mode de scrutin, la fin des partis comme nous les
connaissons et tutti quanti. Malgré ses parts d'ombre, la démocratie libérale a
plusieurs avantages. Pour reprendre les mots de Winston Churchill :
« La démocratie est le pire système du gouvernement, à l'exception de tous
les autres qui ont pu être expérimentés dans l'histoire. » (Winston
Churchill, 11 novembre 1947, à Londres, Chambre des communes, dans The official Report, House of Commons
vol. 444, pp. 206-207). Pendant que la planète Québec s'autopsie,
s'interroge et n'en finit plus de remettre en question les valeurs qui en
fondent l'existence singulière, ailleurs, des puissants songent à devenir
maîtres du monde au nom d'un libertarisme qui devrait faire frémir les plus
critiques de notre système. Enquête au cœur des lubies des nouveaux maîtres du
monde.
Le Nouvel Observateur :
la source
C'est au magazine français de réputation
internationale, Le Nouvel Obs, que
nous devons la paternité de ces informations. Dans son numéro 2579 du 10
avril 2014, l'envoyée spéciale Dominique Nora nous livre les fruits de son
enquête sur le plan fou des nouveaux maîtres du monde. Elle nous révèle les
pensées les plus secrètes des nouveaux oligarques du monde qui se sont enrichis
et ont envahi nos vies avec les Google, Wikipédia, Hotmail, Skype, Amazon,
Facebook et qui veulent un monde nouveau, un monde qui peuplé de micro-états
pourrait donner naissance à une nouvelle civilisation à leur image : riche,
technologique et libertarienne.
Un nouveau
monde pour des oligarques puissants
Le monde idéal pour eux serait : « une
myriade de cités marines, ne dépendant d'aucun gouvernement souverain. Dans ces
villes flottantes modulaires, on ne paierait pas d'impôts, on réglerait ses
factures en bitcoins, on ne consommerait que de l'énergie verte, on apprendrait
en ligne, on serait livré par drone et soigné à coups de thérapie génomique. »
(Le Nouvel Obs, 10 avril 2014, p.8)
« Le 19 octobre dernier, à Cupertino,
dans la Silicon Valley, le fondateur de l'entreprise génomique Counsyl, Balaji
Srinivasan s'est fait applaudir par une salle comble en qualifiant les États-Unis
de "Microsoft des nations". » (Le Nouvel
Obs, 10 avril, p.8). Il voulait dire par là que lorsqu'un géant est
dépassé, on devrait le remplacer par de nouveaux « start-up » plutôt
que de chercher à le réformer.
Larry Page, le cofondateur de Google mentionnait
pour sa part : « Il y a beaucoup de choses importantes et excitantes
que nous pourrions faire, mais nous en sommes empêchés parce qu'elles sont illégales.
En tant que spécialistes de la technologie, on devrait disposer d'endroits sûrs
où l'on pourrait essayer des choses nouvelles et juger leurs effets sur la
société et les gens sans avoir à les déployer dans le monde normal. » (Le Nouvel Obs, 10 avril, p.10)
Les
modérés veulent du changement
Tim Draper mène pour sa part la campagne « six
californias ». Draper est un financier partenaire de la société de capital
de risque Draper Fisher Jurveston et est derrière le succès financier de Skype
et Tesla Motors. Pour lui, l'État de Californie est mal géré et est devenu
ingouvernable. Cet État taxe trop les citoyens pour ses résultats médiocres. Sa
solution, faire de la Californie six nouveaux États en phase avec les intérêts
économiques de cette grande région. D'autres rêvent à refonder le monde sur de
nouveaux États de type libertarien.
La
liberté contre la démocratie
Patri Friedman, le petit fils de
l'économiste à l'origine du néo-libéralisme qui a déferlé sur l'Amérique et
l'occident capitaliste, Milton Friedman, milite activement pour fonder une
ville flottante dans le golfe de Fonseca en Amérique Centrale. Des dizaines
d'ambassadeurs bénévoles œuvrent présentement à prêcher la cause de la refondation
de la civilisation libérale sur de nouvelles bases. Pour eux, nous dit la
journaliste, Dominique Nora, « seul (sic) le système politique sclérosé et ses
vieilles lois terrestres empêchent de résoudre les grands problèmes de notre
civilisation. Selon eux, repartir d'une feuille blanche, comme les pères
fondateurs, permettrait de libérer le génie inhérent à la race humaine. Des
esprits éclairés formeraient des cités laboratoires, pour expérimenter, ils
inventeraient de nouvelles formes de gouvernance et développeraient les
technologies permettant de nourrir les gens qui ont faim, enrichir les pauvres,
guérir les malades, restaurer les océans, nettoyer l'atmosphère et se débarrasser
des énergies fossiles. » (Le Nouvel
Obs, 10 avril, p.10)
Utopie
fascinante ou techno-fascisme 2.0?
À lire les propos recueillis par Dominique
Nora auprès de ces nouveaux oligarques de notre monde, on est pris d'un
vertige. Ceux-ci comptent parmi les plus puissants de notre planète grâce à
leurs entreprises technologiques qui ont fait un tabac dans les cours des Bourses
du monde entier. On ne peut s'empêcher de relier leurs vœux pieux de grande
générosité pour l'espèce humaine à leur propension à s'enrichir par un hypercapitalisme
à la fois fascinant et inquiétant. Subitement, nos pensées voguent vers la
crainte de voir s'ériger en nouvelle vérité du monde, les idées et suggestions
de ces grands prêtres et marchands de notre nouveau temple. On craint que derrière ce discours de puissants oligarques
se cachent les germes d'un techno-fascisme 2.0.