Je
commence avec ce clin d'œil inspiré d'une phrase lue quelque part : l'an
dernier, presque à pareille date et contre toute logique, c'était la ruée vers
les commerces pour engranger le plus de papier de toilette possible. Un an plus
tard, malgré nos réserves, nous sommes au bout du rouleau!
L'an
dernier, je me suis répété souvent que « c'est ben faite, pareil! »,
en constatant le type de printemps que Dame Nature nous servait. Un printemps
froid, pluvieux, maussade. Le beau temps a fini par s'installer correctement
quelque part à la fin du mois de mai.
C'était
le scénario idéal. Avril et mai 2020, rappelez-vous, c'est ce temps chaotique
lors duquel l'urgence d'agir nous a retourné chacun chez soi, brisant les liens
sociaux qui meublaient notre quotidien jusque-là. Il est né des arcs-en-ciel
partout et on se répétait le slogan de l'heure : « Ça va bien
aller! ».
C'était
la douce époque lors de laquelle Horacio Arruda aplatissait la courbe à grands
gestes sympathiques et sur une base quotidienne à la télé.
« Arruda
matata », me disais-je alors, déformant la phrase du film "Le roi
Lion". Je voulais bien y croire : « ces mots signifient que tu
vivras ta vie, sans aucun souci... »
Une
collègue dont j'apprécie l'humour a, un bon matin, modifié l'affiche « Ça
va bien aller » qui était collée au mur de l'espace cuisine du bureau
depuis un bout. Signe d'usure du temps, elle a biffé le mot « bien ».
Depuis, le message est devenu : « Ça va aller! »
Notre
sort entre nos mains
Le type printemps
servi 2021, de toute évidence, ne nous aidera pas. Pas pantoute. Le beau temps
hâtif fait que nous voulons littéralement bouffer de l'air frais, de l'espace.
Nous avons soif de revoir nos proches et faim de ces échanges si nourrissants!
On a
hâte!
Tout
aussi visiblement, le message des autorités sanitaires et politiques est
fatigué autant que nous. Vous savez, cette fatigue qui vient altérer notre
champ de vision? Qui le rapetisse au point où on ne voit plus la forêt tellement
on fixe l'arbre?
Eh,
bien, ce qui nous arrive tous à un moment ou l'autre est en train d'arriver
avec les autorités, je crois. C'est un constat, pas un blâme. C'est même un
processus normal. Qu'on peut décrier, dénoncer, mais qui relève d'une certaine
normalité.
En même
temps qu'on se demande ce qui se passe avec ce yo-yo malaisant dans
l'application des craintes; en même temps qu'on entend M. Legault affirmer un
jour qu'il est seul à décider et déclarer, le lendemain, que la Santé publique
le force à jouer au yo-yo, il y a nous. Je veux dire, vous et moi. Comme
citoyenne. Comme citoyen.
Le
relâchement des normes de base est évident un peu partout. Les tricheries
prennent de l'ampleur et notre bien personnel commence à gagner sur le bien
collectif.
« C'est
quand même pas mon petit geste qui va faire basculer la pandémie! », se
dit-on, fier de notre trouvaille. C'est sûr que le geste d'un citoyen ne fera
pas basculer l'ensemble des 8 millions d'habitants que nous sommes.
C'est
juste que si 1 million de personnes se disent la même chose, ça devient un
grave problème. Voir la forêt. Pas juste notre arbre.
La
course est installée : la vaccination s'accélère, mais les variants
viennent doper les chances du virus. Parmi nos forces? Le fait qu'on sait
comment il nous faut agir. Chacun pour soi. Parmi nos faiblesses? La fatigue.
L'usure.
Je me
dis qu'on a traversé le terrain de football presque au complet. Ce serait moche
d'échapper le ballon à la ligne des buts!
Oui, je
sais. La liberté. La santé mentale. Le « moi, je suis d'opinion
que ». Je sais tout ça.
Je me
permets ce sarcasme : on sera combien à se soucier de la santé mentale
d'autrui quand nos droits à la consommation effrénée auront repris du service?
Quand notre liberté de voyager sera revenue? Quand on sera très occupé, comme
avant, à s'occuper de courir après notre bien-être personnel?
On lâche
pas. C'est pas le temps...
Clin
d'œil de la semaine
Je pense
aux normes et je pense à la légende du colibri : le colibri faisait la
navette, inlassablement, entre un étang et un feu de forêt, quelques gouttes
d'eau dans son bec à la fois.
« Tu
crois vraiment que tu vas éteindre un feu de forêt avec ça? », lui
demande-t-on.
« Je
fais juste ce que je peux faire : je fais ma part. »