Lors d'une réception qui suit un mariage, votre beau-frère
profite d'un vin mousseux servi sur la terrasse, un repas suit, les gens
s'amusent, il fait chaud, les hommes enlèvent leur veston, le vin coule
généreusement.
Votre beau-frère prétend avoir bu deux à trois verres alors
qu'une autre convive attablée avec lui parle d'une bouteille et demie sur une
période d'au moins cinq heures.
Le beau-frère étant un fumeur, il sort à plusieurs reprises
sur la galerie pour aller fumer. Lors de sa dernière sortie vers 22 heures 30
minutes, il passe devant la chambre des mariés. La chambre est vitrée, la
lumière éclaire cette partie de la galerie. Une balustrade protège la galerie.
Cette balustrade n'est pas uniforme, alors votre beau-frère pose sa main sur le
garde-corps, celui-ci se rompt et le beau-frère se retrouve six pieds plus bas.
Le bruit de la chute alerte la mariée et autre personne qui
se trouvait alors dans la chambre. Cette personne va chercher de l'aide. C'est
ainsi que le propriétaire et la mariée se retrouvent près du beau-frère en
moins d'une minute. Le beau-frère se relève, prétend que « ça va », il réussit
à monter l'escalier. Il passe une mauvaise nuit, son genou gauche est enflé et
le fait souffrir. Le lendemain, il se rend à l'hôpital, on constate une
fracture. Une attelle plâtrée est installée.
Deux questions se posent ici, le propriétaire de
l'établissement est-il responsable de cette chute, la victime est-elle
responsable de son propre malheur?
Une affaire similaire a été tranchée dans l'arrêt Cotton vs
Bedkowski 2019 QCCS5099(1).
Appelé à décider du litige, le juge de première instance a
conclu que la crédibilité du demandeur était sujette à caution. En effet, le
demandeur a donné selon le juge, plusieurs versions contradictoires de
l'accident dans sa demande écrite, lors de son interrogatoire, selon les
différents rapports médicaux et au moment de l'audience.
Il appert cependant que la balustrade, selon l'expert qui a
été appelé à témoigner, n'était pas conforme au Code National du Bâtiment. Or,
en invoquant le Code Civil du Québec à l'article 1467 :
Le propriétaire, sans préjudice
de sa responsabilité à titre de gardien, est tenu de réparer le préjudice causé
par la ruine même partielle de son immeuble, qu'elle résulte d'un défaut
d'entretien ou d'un vice de construction.
Le juge conclut alors à la responsabilité des propriétaires.
Revenant sur les propos contradictoires du demandeur, le
Tribunal affirmera :
(33) Il est indéniable que le demandeur a consommé de
l'alcool ce soir-là, certainement plus que les deux, trois verres qu'il veut
bien admettre (1)
pour conclure :
(34) Mais ce n'est pas la cause de la chute. Le demandeur
n'a pas chuté parce qu'il était ivre, mais parce que la balustrade qui devait
le retenir et l'empêcher de basculer dans le vide était affectée d'un vice.
(35) Aucune faute contributoire n'est retenue.
La crédibilité est un élément des plus importants quand un
juge a à rendre une décision.
Dans le cas précité, bien que le juge ne croit pas le
demandeur quant à la quantité d'alcool qu'il a bu, il estime que le demandeur
n'était pas ivre au moment de la chute donc que la consommation d'alcool n'est
pas reliée à la chute.
C'est ainsi que le juge en vient à la conclusion que la
cause de la chute c'est la balustrade qui n'était pas conforme et non le fait
que le demandeur ait été sous l'influence de l'alcool ou l'auteur de son propre
malheur.
Le juge a donc appliqué la règle de droit en la matière soit
la responsabilité du propriétaire d'un bâtiment; les propriétaires ont ainsi
été condamnés à payer les dommages subis par le demandeur.
Au plaisir,
Me Michel Joncas, avocat
(1)Une demande d'en appeler au jugement a été rejetée...