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  CHRONIQUEURS / Être LGBTQ+ en Estrie

Un silence lourd de sens

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Sarah Beaudoin Par Sarah Beaudoin
Samedi le 13 février 2021

J'ai été récemment déçu.e par l'absence de réactions quand j'ai dénoncé des violences vécues au sein d'un milieu féministe. On s'entend, des violences vécues par une personne en particulier, une femme prétendant être féministe. On m'a dit de fermer ma gueule. Bien sûr, je l'ouvre donc. 

Vous savez, je n'ai jamais cru au féminisme intersectionnel et aux luttes LGBTQ+ par simple mode passagère, par rigidité intellectuelle ou en guise de mécanisme de défense. Je crois en ces luttes parce que j'ai vu l'impact de ces luttes chez des gens que j'admire, j'ai vu le pouvoir qu'une mobilisation collective peut avoir sur le destin d'une collectivité au grand complet et je suis convaincue que si les élu.es politiques peuvent en venir à faire la promotion de valeurs progressistes, nous pourrons enfin savourer un monde juste, qui tend toujours vers la perfection, bien qu'il soit impossible d'atteindre cette dernière. 

Ça m'a donc surprise d'entendre le dérangeant silence de milieux féministes lorsque j'ai dénoncé des violences vécues. Ces violences, sans rentrer dans les détails pour protéger l'intégrité et la réputation de mon agresseure, ont relevé du gaslight, de discrimination en lien avec mon orientation sexuelle, et maintenant, d'atteinte à ma réputation. Cette femme est également en train de se qualifier comme personne effectuant du harcèlement psychologique si elle continue de nuire à ma réputation sans aucune cause excepté sa haine pour ma personne. 

Le truc, c'est que mon cas n'est pas original ou différent de la norme. Il n'est pas rare d'être manipulé.e, utilisé.e ou de voir sa réputation atteinte lorsque l'on fait partie de la communauté LGBTQ+. Cela vient d'un concept bien commun : l'objectification et la fétichisation des personnes LGBTQ+. Ce concept est souvent accompagné d'une déshumanisation de la personne qui en est victime et origine de la perception sociétale que l'on a de personnes LGBTQ+. Lorsque l'on vit dans une micro-société (famille, milieu de travail, ville où l'on habite, etc.) qui ne fournit aucune ou peu de ressources pour s'informer sur les réalités LGBTQ+ (que l'on en fasse partie ou non), on ne peut faire autrement que de créer un cercle vicieux de légitimation constante de ses pensées, ainsi que de se fier sur ce que l'on connaît déjà pour étiqueter et qualifier les communautés LGBTQ+. 

Une personne ne s'étant jamais questionnée sur ses propres biais et préjugés envers les personnes homosexuelles, par exemple, peut reproduire des préjugés et discriminations envers une communauté, sans nécessairement le vouloir. Dans ma situation, la personne m'ayant fait violence était une amie ou connaissance qui m'a discriminé et marginalisé en raison de mon orientation sexuelle dans le simple objectif de ne pas être associée avec cette partie de mon identité, m'accusant faussement de problématique, quand mon unique délit avait été d'exister en tant que femme genderqueer homosexuelle et d'avoir collaborer sur des projets avec elle. Quand une personne se sent si confrontée par l'identité d'une personne et qu'elle a des raisons de croire que la personne LGBTQ+ aurait assez de motifs pour se plaindre de discriminations à son égard, répandre des rumeurs devient un excellent moyen de d'enlever toute crédibilité à la personne avant même qu'elle ait pu la dénoncer. Toute la situation m'a fait pensé à un homme cis se défendant de frapper sa femme parce que celle-ci est violente, quand c'est évident que la femme est victime, mais qu'elle a été trop malmenée pour même penser à pouvoir porter plainte et que les besoins de survie et de se détacher du lien de contrôle est plus important que d'avoir vengeance ou d'avoir «le plus gros bout du bâton». Comme quoi, faudrait repenser notre façon d'analyser les situations de violence en avantageant une personne à une autre par leur simple appartenance à une communauté militante, leur passé de victimisation ou même leur genre. La personne qui m'a fait violence est l'exemple le plus flagrant que je puisse vous donner  

Je ne crois pas que militer est le but ultime et l'objectif final d'un.e militant.e. Une personne militante peut difficilement se taire devant des injustices relevant de discriminations comme celles mentionnées ci-haut, elle ne peut pas choisir simplement la victime la « plus crédible » sans prendre en compte l'aspect d'intersectionnalité. Une personne militante est une personne effectuant effectivement des actions pour combattre les systèmes et actions qu'elle dénonce, mais qui ne peut laisser ses propres intérêts personnels affecter son travail. Autrement, on pourrait maintenant appeler ces militant.es des défenderesses de sa propre personne et des oppressions qui la représente. 

Les milieux féministes et LGBTQ+ ont eu quelques anicroches dans les dernières années en ce qui concerne la représentation respectueuse de femmes trans et personnes non-binaires au sein d'instances féministes. En effet, certain.es tolèrent que des femmes trans ou des personnes non binaires voient leurs réputations ruinées, leur sécurité et leur intégrité brimée, au nom d'une cohérence pour certaines femmes plus privilégié.es. C'est beau sur papier les argumentaires entre les groupes excluant les personnes trans et ceux les incluant, mais c'est concrètement une menace pour notre sécurité en tant que personnes trans. C'est une discussion sur notre existence. 

Voyez-vous, j'aurai bientôt un quart de siècle et ces nombreuses années m'ont apprise que je ne devrais jamais tolérer que l'on discute de la pertinence et des balises de ma propre existence. Mon existence en tant que femme genderqueer lesbienne est valide. Mon statut en tant que victime est aussi valide. Et ça fera peut-être dresser quelques cheveux, mais c'est bien simple : des personnes incohérentes, opportunistes et violentes existent dans tous les milieux, même les plus progressistes. Je crois en l'impact de dénoncer ces personnes haut et fort, peu importe le milieu. Faire semblant que toute personne progressiste marche sur l'eau c'est se creuser la tête bien profonde dans le sable pour s'assurer de ne pas voir ses propres insécurités, ses propres manquements et le travail d'introspection que nous avons tout.es faire pour faire en sorte que notre monde soit toujours meilleur. 

On m'a demandé de me taire, mais ce silence s'est avéré lourd de sens. Maintenant que j'ai porté la pesanteur de celui-ci sur mes épaules, je ne peux que réaliser à quel point il me faut plutôt crier. Crier pour ne pas porter le poids de sa violence, crier pour se faire entendre et crier pour lutter pour de réelles valeurs d'inclusivité au sein d'instances féministes.


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