Une table de concertation estrienne sur le travail du sexe a été lancée ce matin à Sherbrooke, réunissant ainsi différents acteurs qui côtoient les travailleuses (travailleurs) du sexe, tels que des policiers et des intervenants en milieu social et dans le domaine de la santé. L'objectif; améliorer le bien-être et la sécurité des femmes et des hommes qui font ce métier.
Il s'agit sans aucun doute de l'un des métiers les plus jugés socialement. Les étiquettes que la société colle aux travailleuses (travailleurs) du sexe (TDS) sont nombreuses et peuvent favoriser la violence et l'abus envers ces personnes. Même si en Estrie de nombreux partenaires travaillent fréquemment auprès des TDS dans le but de leur offrir différentes ressources, aucune table de concertation ne rassemblait tous ces acteurs jusqu'à aujourd'hui.
« Malgré les divergences d'opinion sur la problématique, il est essentiel de s'assoir ensemble et de s'unir pour assurer un continuum de services efficaces et clairs pour contrer tous les types de violence, indique d'emblée Claudia Pâquet, intervenante à IRIS Estrie. Dans l'industrie du sexe, majoritairement féminin, on retrouve une grande diversité de femmes. Elles n'ont pas toutes les mêmes besoins et vivent des réalités différentes. »
Communication entre les policiers et les travailleuses du sexe
Michelle, une travailleuse du sexe, était présente ce matin lors du lancement de la nouvelle Table de concertation. Elle avoue que cette initiative servira à beaucoup de femmes (et d'hommes) du milieu.
« Les filles n'ont pas toutes les mêmes limites. Moi je suis en général capable de respecter mes limites. Malgré tout, il m'arrive de vivre des moments pas agréables, par exemple un client harcelant ou violent. Dans ces moments, j'ai déjà pensé à appeler la police, mais après je me disais; pour leur dire quoi? Vont-ils me prendre au sérieux? »
Vincent Fontaine, enquêteur au Service de police de Sherbrooke, n'est pas gêné de faire son mea culpa. Il avoue qu'il y a eu par le passé certaines lacunes, mais que les choses changent, s'améliorent avec le temps.
« Avec cette table de concertation, j'ai pu entendre ce qu'on dit de nous. Le message qu'on reçoit est clair; lorsque les filles (ou les hommes) sont victimes de quelque chose, elles n'ont pas le réflexe de nous appeler. Elles n'ont pas confiance en nos services, probablement parce qu'elles sont jugées ou qu'il y a déjà eu des commentaires désobligeants qui ont été portés à leur endroit par le passé. Personnellement, je me sens aussi visé. Ça fait maintenant 15 ans que je suis policier, mais en début de carrière, peut-être que moi aussi je n'ai pas été correct avec elles. Peut-être que moi aussi j'ai passé des commentaires. On veut changer tout ça. On veut que tous les patrouilleurs et enquêteurs traitent les TDS comme n'importe quel autre citoyen », explique M. Fontaine.
Le SPS tient aussi à indiquer que cette Table de concertation ne se veut pas un moyen de s'immiscer dans le milieu. D'ailleurs, est-ce que le métier de TDS est légal?
« Les articles dans le code criminel ont été un peu modifiés, répond M. Fontaine. Mais au niveau légal, il n'y a pas grand-chose qu'un policier peut faire pour procéder à l'arrestation d'une travailleuse du sexe. Le code criminel présentement criminalise l'achat de services sexuels. Les clients peuvent être arrêtés. Mais ce n'est pas notre intention dans l'immédiat. Notre but ce n'est pas d'aller chez une fille pour voir qui sont ses clients. Notre but est qu'elle n'hésite pas à nous appeler si elle est victime de voies de faits, d'harcèlement ou d'agression sexuelle par un client », conclut l'enquêteur Vincent Fontaine.