La décision de la Cour supérieure du Québec d'obliger trois
fabricants canadiens de cigarettes à verser 15 milliards$ à des fumeurs et
ex-fumeurs dans le cadre de deux recours collectifs pourrait-elle s'appliquer à
d'autres secteurs d'activités, comme la malbouffe?
C'est connu depuis longtemps, la cigarette est mauvaise pour
la santé. La même constatation s'applique à la malbouffe. Peut-on faire un lien
entre les deux et croire à une jurisprudence?
Estrieplus.com s'est penché sur la question. Voici l'avis de
deux avocats, Me Annie-Élizabeth Girard et Me Michel Joncas.
Ça prendrait une
preuve
« La nicotine tue, mais la poutine tue-t-elle? questionne
d'entrée de jeu Me Joncas. Par extension, on peut faire un parallèle. Ça ouvre
une porte, mais il faudrait une preuve. »
Une preuve que la malbouffe tue, mais aussi que les consommateurs
l'ignorent. D'ailleurs, dans son jugement, le juge Brian Riordan reproche aux
cigarettiers de ne pas avoir informé leur clientèle des risques qu'elle
encourait à consommer leurs produits.
Il faut dire que si le procès a duré 2 ans et demi, l'ensemble
des procédures judiciaires s'est étendue sur 17 ans. Durant toutes ces années,
beaucoup de nouvelle information a circulé sur les cigarettes et les produits
du tabac.
« À une certaine époque, les gens ne savaient pas que
la cigarette créait une dépendance, rappelle Me Girard. Ça fait longtemps qu'on
sait que la cigarette, c'est mauvais pour la santé, mais on ne savait pas à
quel point. »
Dépendance à la
malbouffe
Me Annie-Élizabeth Girard pousse sa réflexion un peu plus
loin.
« La cigarette contient des substances toxiques qui créent
la dépendance. La preuve scientifique existe : une seule cigarette cause
des dommages à la santé. Mais peut-on faire la preuve que la malbouffe engendre
une dépendance? Est-ce uniquement le PFK ou le McDonald, par exemple, qui amène
une surabondance de gras abdominal? »
Il est vrai que l'obésité et ses complications (diabète,
maladies cardiovasculaires, etc.) ne dépendent pas uniquement de la mauvaise
alimentation, mais d'un ensemble de facteurs, incluant la sédentarité et l'hérédité.
Me Girard s'interroge également sur l'indemnisation que
devrait recevoir le système public de santé.
« J'aimerais bien savoir qu'elle est la proportion des
malades dans les hôpitaux qui le sont en raison de la cigarette. Car on paie
tous. La fumée secondaire affecte les enfants. Certains développent de l'asthme
à cause de la fumée secondaire. C'est bien que la dame atteinte d'un cancer du
poumon reçoive une indemnité, mais qui paie pour les malades collatéraux? C'est
nous tous. Le gouvernement, donc nous,
recevra-t-il sa part d'indemnisation? »
Sur ces premières réflexions, les deux avocats ont affirmé
vouloir lire le jugement de 276 pages avant de commenter davantage. Ils nous
reviendront la semaine prochaine avec une analyse plus détaillée.