J'ai pour toi un lac. C'est de Gilles Vigneault.
J'ai toujours aimé ce bout de phrase très puissant. Vous savez, le lac, l'eau, la vie, le calme. La force tranquille. Le côté parfois un peu mystérieux. Un lac, c'est un véritable trésor. Demandez aux agents d'immeubles, ils vous le diront bien! Une cambuse au bord d'un lac devient une propriété secondaire pleine de potentiel qui peut, ultimement, se changer en palais principal... Parce qu'un lac, c'est aussi ça : un rêve.
Imaginez seulement que, pour séduire l'âme sœur, vous disiez : j'ai pour toi un lac... Ouf! J'ai pour toi le calme, la vie, la force tranquille, le rêve. Si les yeux de l'âme sœur vous regardent avec un air attendri, c'est gagné. Si, au contraire, elle vous regarde, la tête penchée sur le côté, avec le regard du chiot qui ne comprend pas ce que vous vous attendez de lui et, qu'au surplus, elle vous dit : « ben là, un lac... T'as même pas de chalet... », le mieux est alors de saluer l'âme devant vous et vous trouvez une sœur ailleurs.
Tout ça pour dire que j'ai toujours aimé cette courte phrase de Vigneault.
Jusqu'à la semaine dernière.
Lorsque j'ai appris que le gouvernement du Canada et son guichet décisionnel unique, le bureau de Stephen Harper, avaient décidé de faire creuser un lac artificiel pour épater la galerie des journalistes présents lors de la rencontre du G20 et du G8 en Ontario.
Il y a quelques mois à peine, les principaux acteurs de l'économie de plusieurs des pays représentés à ce sommet se sont branchés par intraveineuse sur leurs gouvernements respectifs parce qu'ils s'écrasaient lamentablement. Lamentablement, parce que, règle générale, ils ont été victimes de leurs excès. Comme un diabétique qui s'écraserait après avoir abusé royalement du buffet des desserts à volonté.
C'était il y a quelques mois. À ce moment, je me suis surpris à penser que la leçon porterait.
Et voilà qu'on accouche d'un lac. Un lac creusé à même les deniers publics. Par un gouvernement qui agit comme s'il était majoritaire. À coups de décrets au nom de ce qui est bon pour nous. L'opposition est désorganisée, alors, quand le chat n'est pas là...
Vous voyez le portrait politique? Pas d'ennemis sur la gauche. Pas vraiment d'ennemis au centre. Harper vire donc à droite. Et ce, malgré l'appel à la prudence lancé par les électeurs qui ont élu un gouvernement minoritaire. Mais, comme dirait l'autre, que voulez-vous, c'est légal, maintenant, de virer à droite au feu rouge!
Alors, Harper fait creuser un lac. Artificiel. Mais un lac pareil.
Et il brise du même coup une belle phrase de Vigneault. Mais ça, bof, ce n'est que de la culture...
Clin d'œil de la semaine
Harper vend le Canada aux touristes en leur montrant un lac artificiel. Au référendum de 1980, on vendait le Canada aux Québécois en leur disant qu'ils allaient perdre les Rocheuses. On perd du panache avec les années!