Depuis qu'on admet, dans nos sociétés organisées, que l'argent procure tous les pouvoirs, qu'il permet toutes les inégalités et qu'il promet tous les avantages, on fait tout pour faire le plus long bout de chemin possible avec un dollar.
En fait, c'est depuis qu'on a donné une valeur intrinsèque à l'argent, que les problèmes s'accumulent.
L'argent, en soi, a été introduit comme unité d'échange.
Exemple un peu gros, mais révélateur : il devenait difficile, dans le troc de marchandises, d'évaluer si un agneau du printemps valait un ou deux rouleaux de tissu teint. Si une paire de chaussures en cuir valait deux ou trois paniers de légumes. Bref, aussi approximatifs soient-ils, mes exemples viennent démontrer l'utilité d'une unité de mesure plus universelle que le troc. L'introduction de la monnaie d'échange s'est faite des centaines d'années avant l'an 0 de notre calendrier.
D'ailleurs, il est intéressant de constater que déjà, plus de 300 ans avant Jésus-Christ, Aristote dénonçait le fait qu'un prêt d'argent puisse procurer des intérêts. Le philosophe s'inquiétait déjà des conséquences à long terme du fait qu'on puisse faire de l'argent avec de l'argent. L'argent généré par l'argent est contraire à la nature des choses. Le philosophe voit l'argent comme un outil servant à faire en sorte que chacun puisse répondre à ses besoins réels. Il craint que l'accumulation de la richesse ne soit nuisible à la communauté.
Il doit se retourner dans sa tombe à vitesse Grand V s'il constate ce qui se passe de nos jours!
Nos vies à la bourse
Notre quotidien dépend de la bourse et de ses hauts et ses bas. C'est maintenant l'argent fait avec l'argent qui détermine tout autour de nous. C'est vrai pour nos fonds de retraite comme pour le coût des aliments, de l'essence et tout autour.
Face à des iniquités de plus en plus flagrantes, on cherche désespérément et collectivement les économies. Les rabais. Les « deals ».
Chaque jour, on vit un bombardement en temps réel. Difficile de se camoufler. De l'éviter. Via des textos, des courriels et des publicités insérées littéralement partout dans notre entourage, nous sommes exposés à des milliers d'offres spectaculaires. Et comme notre statut social est déterminé en grande partie par ce que l'on possède, nous sommes très sensibles à ces offres.
Des logiciels et algorithmes scrutent nos faits et gestes. Ainsi, cliquez une fois sur une publicité de chaussures et vous aurez, en prime, des offres de chaussures sur toutes vos autres plateformes de communication.
Incroyable. Infernal...
Mais quand une compagnie offre une montre à 2,97$, transport inclus, on se demande bien ce qui se passe. On a beau se dire que c'est de la qualité médiocre, mais voilà que ça quitte la Chine, ça se rend chez nous, et ça coûte moins de 3 dollars.
Mon problème n'est pas dans la justification de la chose. Il est plus racinaire : plus ça va, plus on refuse de payer le prix équitable pour un objet. Équitable au sens juste du terme. Dans nos sociétés on est sous le seuil de la pauvreté avec un salaire de 12 $ l'heure, comment peut-on penser qu'il soit logique de payer 10$ pour une chemise livrée chez nous, le tout sans payer de taxes?
C'est qu'il y a, en route, des gens desquels on abuse. Des gens qu'on vole littéralement.
Et nous, qui sommes « nés du bon côté de la planète », pour reprendre l'expression, nous nous faisons complices de ces abus.
Notre but n'est plus de subvenir à nos besoins. C'est d'accumuler des biens. Ainsi, pourquoi payer le prix équitable pour une chemise si je peux en obtenir 4 de façon légale? Immorale, mais légale?
Oui, mais... comme notre statut social est déterminé par ce qu'on possède, le reste, on s'en fout...
Clin d'œil de la semaine
- Ta chemise est déchirée...
- Bof, au prix qu'elle était, sacre-moi ça aux vidanges, on s'en fout!