L'image me vient de Lynda Lemay. Sa chanson « gros
colon » me fait sourire. Elle parle de ce type de gars grossier.
L'éléphant dans la boutique de porcelaine. Vous savez, celui dit qui dit trop
haut ce qu'il croit que tout le monde pense trop bas, alors que ce que les gens
veulent dire, souvent, c'est ferme-la donc!
Le type colon.
Rob Ford représente bien la race. Le plus troublant, c'est
que plus on en rajoute sur le tas de preuves qui s'accumule contre lui, plus il
semble aimé d'une couche de ses concitoyens. Les gens se ruent sur lui, pas
pour manifester leur colère, mais bien pour se faire photographier avec lui!
J'entends déjà quelqu'un dire : « lui, il dit les
vraies affaires! » Je colle au plafond quand j'entends cette phrase.
Mais c'est quoi, cet engouement pour le nivellement par le
bas?
Rob Ford est un cas à cent piastres, comme le disaient nos
aînés. Mais il y en a plein autour. Pas tous des Rob Ford, mais tous des élus
qui nivellent par le bas. Qui se réclament du bon peuple. Qui disent dire les
vraies affaires. Autant régler cela tout de suite, dire les vraies affaires,
dans leur bouche, c'est dire n'importe quoi pour donner l'impression qu'ils
sont de braves héros qui bouleverseront à eux seuls l'histoire du Québec.
Quand Coderre parle de David Desharnais sur Tweeter, c'est
con. Mais pas si grave. C'est quand il s'explique que ça se complique. Vous lui
demandez si ses responsabilités de maire de Montréal n'impliquent pas une
certaine réserve dans les propos publics? « Je vais continuer à dire tout
ce que je pense. Je suis authentique, moi! »
Authentique... Foutaise! Ce n'est pas être authentique que ne
pas mettre ses devoirs et responsabilités en relief quand on cause en public. À
ce compte-là, je peux foncer partout avec ma voiture en disant : « Ça
me tentait! Je suis authentique, moi! » Et on devait me répondre :
« AH! Bien c'est correct d'abord, continue! J'avais pas réalisé ton
authenticité! »
Samedi, en entrevue sur le dossier du pont Champlain, on
demande à Coderre s'il peut influencer les choses auprès du Fédéral qui est
maître d'œuvre du projet. « Oui », répond-il. Le journaliste insiste
un peu en demandant si le poids du maire de Montréal (au sens figuré,
j'entends) peut faire pencher la balance face à la grosse machine fédérale. Le
maire y va d'une métaphore : « Ce n'est pas la grosseur de la hache
qui compte, c'est la swing dans le manche! » Phrase colorée, qui fait
sourire, mais qui ne dit rien. Quiconque a déjà attaqué un rondin de bois franc
pour le fendre à la hache sait que si la hache est trop petite, la swing dans
le manche ne compensera pas... Mais l'image marque et fait sourire. Et on se dit
qu'on a donc un bon maire.
Personnellement, à la fin de l'entrevue, je me suis demandé
ce qui avait été vraiment dit. Rien.
Le maire Labeaume est pareil. Il disait visiter le chantier
de son Colisée chaque jour pour voir l'évolution des travaux et pour rassurer
les citoyens sur les éventuels dépassements de coût. Un peu ridicule, techniquement, quand même.
Qu'est-ce que sa visite peut bien changer? Rien et tout, en fait. Rien sur le
chantier, mais tout dans l'opinion publique. Celle-là même qui retourne chez elle en se
disant : « Mon bon maire qui dit les vraies affaires s'occupe de
tout. Pas besoin des autres conseillers et pas besoin, surtout, que je m'en
occupe, moi, comme citoyen-payeur-de-taxes ».
Car c'est ça la plus grande force des maires hyper
populistes. Ils ont le tour de se ramener à un niveau tel que les électeurs se
rendorment en disant : « Bon, quelqu'un s'en occupe, moi, je regarde
ailleurs ma petite pelouse. »
C'est souvent là que tout dérape.
Quand le maire de Saguenay décide, comme il vient de le
faire, de tenir les séances du conseil municipal sur l'heure du midi, parce
que, dit-il, c'est facilitant, il vient de bâillonner l'électorat et la
possibilité que les citoyens suivent les travaux. Quand on lui fait remarquer la chose, il
répond avec un revers de main évident : bof, si ça fait pas on verra!
J'entends, en musique de fond, la chanson de Lynda Lemay.
Sous ces allures colorées de « diseux » de vraies
affaires, ce sont, visiblement, les pires démocrates. Il faut qu'on soit
désillusionnés de la politique pour descendre si bas.
Poussez ce phénomène plus loin, et vous arrivez à l'attitude
Harper qui bâillonne tous les travaux, présente des projets de loi mammouth
dont on ne doute pas du contenu et manipule allègrement les processus
décisionnels.
Le cancer est pris dans la démocratie. Mais un cancer qui se
soigne. Ce sera à nous d'y voir.
Mais pas avec un taux de participation de 40% aux élections
municipales...
Clin d'œil de la
semaine
Tel père, tel fils. Tel maire, tel vice...