Sébastien et Mélanie sont très fiers de leurs deux enfants. Une fierté toute parentale. Ils n'ont pas fait Star Académie, ne sont pas des champions dans les sports qu'ils pratiquent. Ils jouent du piano un peu, mais sans être applaudis par une foule en délire.
Deux enfants comme il y en a tant. Deux parents dont la fierté est toute parentale.
À la naissance de la première, Mélanie avait décidé de quitter le marché du travail pour un bout de temps. Mais la décision lui faisait peur un peu. Qu'adviendrait-il de leur projet d'une plus grande maison, des vacances annuelles dans le sud, de l'achat de la fourgonnette pour la petite famille? Et, puis, aussi bien l'avouer : qu'allaient dire les amis et les collègues?
Petit conseil de famille. Tout simple. Au centre de la table, la situation. Puis, la question de base : qu'est-ce qu'on souhaite faire de notre vie? La réponse est venue facilement. Ils ont décidé alors que ce modèle convenait à leur façon de se consacrer à la famille. On vend donc une des deux voitures et on réaménage un brin la maisonnée. On s'ajuste à nos choix.
Six ans après la naissance du deuxième, Mélanie a décidé de retourner au travail. Elle avait besoin d'un défi professionnel. En plus, elle se disait qu'il ne ferait pas tort de se préparer doucement un fonds de retraite et, pourquoi pas, mettre des sous de côté pour les études des marmots.
Pas vraiment de conseil de famille cette fois-là. Ils entraient dans le moule de la majorité. Tout était bien. Étonnamment, leur train de vie s'est ajusté à la hausse sans même qu'ils n'y pensent! Quand l'argent entre, la dynamique est bien différente. Petite gâterie ici, petit voyage en famille là, petite maison devenue un peu plus grande (mais pas trop, il faut garder les pieds sur terre), écran plat un peu plus grand, etc.
L'aîné avait des problèmes de santé qui nécessitaient des soins réguliers et des médicaments, mais, bon, rien de si grave. Rien pour l'empêcher de cheminer normalement. La petite famille continuait de voguer au gré d'un quotidien intense et rapide, mais, encore là, rien d'anormal par rapport aux voisins du quartier.
Au fil des années, tout a augmenté considérablement. Des factures d'épicerie nettement à la hausse, les coûts de l'essence qui augmentent de façon galopante, des frais majorés à gauche et à droite. Tout cela mélangé au fait que le statut de travail de Sébastien avait changé. Le poste permanent qu'il occupait a été aboli. L'entreprise cherchait plus de profit. Il fallait couper des têtes pour que le modèle de gestion tienne la route. Débrouillard, Sébastien a retrouvé un emploi. Plus précaire, moins payant, mais bon, il travaille... C'est déjà mieux que certains de ses voisins.
Autre conseil de famille. On réduit le train de vie. Les sous qu'on mettait de côté pour les études? « On ne touche pas à ça et on continue à en mettre un peu de côté ». Et les sessions auxquelles l'aîné participe pour améliorer sa condition (et dont les frais ne sont pas couverts par les assurances) (assurances que Sébastien n'a plus depuis son changement d'emploi, d'ailleurs)? « On ne touche pas à ça non plus.» Fidèles à leurs choix de vie. Il faut bien faire quelque chose, cela dit. Vente de la deuxième voiture, ajustements à gauche et à droite, et, hop, on y arrive. « On n'est quand même pas les seuls à vivre pareille situation, après tout! »
Plus dernièrement, ils ont appris que l'âge de leur retraite serait repoussé de deux ans. Tous les deux. C'est un peu plus de 200 $ de plus par mois d'épargne retraite (pour les deux) qu'ils doivent envisager, sur un peu plus de 10 ans, pour compenser. Envisager est le bon mot. Dès qu'ils le pourront, en fait.
Pour l'heure, ils doivent se rabattre sur leurs priorités. Une d'elles est l'aide qu'ils veulent offrir à leurs enfants pour l'université. Mais les hausses des droits de scolarité sont importantes. Très. Il en coûtera plus de 30 000 $ pour les deux. Ils disposent de 5 000 $ d'économies. Ils auront droit à des prêts. Peut-être 12 000 $ au total. Le travail à temps partiel est déjà au programme. Mais aller à l'école coûte bien plus cher que les simples droits de scolarité. Il y a l'ordinateur, les livres, les notes à acheter, tout...
Sébastien et Mélanie se sentent trahis quand la ministre leur dit, avec un grand sourire, qu'il est grandement temps que chacun collabore à sa juste part.
En fait, ils se demandent pourquoi le gouvernement prend le Québec pour une entreprise qui ne chercherait qu'à générer de l'argent plutôt que de faire le ménage de sa cour.
Pour Sébastien et Mélanie, il est clair que le gouvernement est dû pour un petit conseil de famille. Transparent et honnête.
« Ce n'est pas dans la culture, faut croire », constatent-ils, dépités.
Clin d'œil de la semaine
Stephen Harper vient de perdre un 6e Directeur des communications en 6 ans. L'homme de 63 ans se dit trop vieux pour ce job. Il y a huit mois, il ne savait pas qu'il avait 63 ans...